Engagée depuis dix ans dans la promotion et la défense du bio en Nouvelle-Calédonie, l’association Biocalédonia est gestionnaire du label océanien Bio Pasifika. Avec un certain succès puisqu’en dix années, la production de l’agriculture biologique calédonienne a été multipliée par cinq ! Retour sur les avancées et les projets.
L’association Biocalédonia a été créée en 2009. C’est l’association Arbofruits, en partenariat avec la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Calédonie, qui en sont à l’initiative. Arbofruits, travaillant avec les porteurs de projets arboricoles, intervenait essentiellement en province Nord et en province des îles Loyauté et a fait le constat qu’il fallait agir en faveur des petits producteurs, et notamment ceux des tribus, pour valoriser leurs productions, leur travail et leur proposer un débouché commercial. Concomitamment en 2008, grâce à l’appui de la Communauté du Pacifique (CPS), et en partenariat avec la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM), des groupes de travail se sont réunis pour élaborer la NOAB, Norme océanienne d’agriculture biologique, aujourd’hui 3e norme régionale biologique mondiale. C’est pour développer et faire vivre les principes de la norme en Nouvelle-Calédonie que Biocalédonia a vu le jour.
Avant 2009, il n’existait aucun label bio en Nouvelle-Calédonie. S’il y avait des productions dites « saines », aucun label ni certificat ne garantissait aux consommateurs la mise en valeur de produits totalement bio. Biocalédonia, qui gère le label Bio Pasifika en Nouvelle-Calédonie, propose une certification au travers d’un système participatif apportant toutes les garanties aux consommateurs que les productions sont indemnes de tout produit chimique et répondent à un cahier des charges précis. « Depuis dix ans maintenant, explique Pierre Migot, le directeur de l’association, on avance et l’association agit désormais sur tout le territoire de la Nouvelle-Calédonie avec une forte dynamique dans le Sud, où de nombreux producteurs s’installent souvent en reconversion professionnelle et qui adhèrent à la NOAB. » Le label Bio Pasifika garantit que les produits respectent la norme et cette dernière est précise : pas de produits chimiques, valorisation des savoir-faire traditionnels, des déchets verts et la vente en circuit court notamment, cela permet ainsi aux consommateurs de bénéficier de produits sains, limitant au maximum l’impact sur l’environnement et vendus dans un périmètre peu éloigné de chez eux.
« Nous recensons aujourd’hui un peu moins d’une centaine de producteurs dont la production est certifiée, précise Pierre Migot, à savoir 42 en province Sud, 26 aux Loyauté et 22 en province Nord. En août 2019, nous comptabilisions 117 certificats Bio Pasifika garantis par le SPG Biocalédonia. La production est exponentielle, elle a été multipliée par cinq depuis la création de l’association. Elle est aujourd’hui supérieure à 250 tonnes par an. » Le label Bio Pasifika concerne essentiellement la production végétale maraîchère et vivrière ; il concerne également, dans une moindre mesure, la production animale (œufs, bovins) et de miel, mais aussi la transformation industrielle, comme l’OCEF et Absolu Chocolat qui sont certifiés.
Un système participatif
L’association compte une équipe de six salariés avec un animateur par province, et accompagne les groupes locaux. Le SPG, système participatif de garantie, sur lequel s’appuie l’association pour délivrer le précieux label Bio Pasifika, est un espace d’échanges entre les producteurs, plutôt des ruraux, et les consommateurs, plutôt des urbains. Il existe onze groupes locaux sur le territoire qui se réunissent au moins une fois par mois et dans lesquels sont étudiés les systèmes de production et notamment les prévisionnels de production. Ce sont ces groupes locaux qui accompagnent les producteurs dans le processus de certification. « Les groupes, explique Pierre Migot, évaluent les pratiques et la conformité avec la norme. Ils établissent des rapports qui sont présentés à un Comité territorial de certification (CTC), souverain et indépendant de Biocalédonia et qui, après examen du dossier, délivre le certificat valable sur une durée de deux ans. Au bout d’une année, le producteur est inspecté pour vérifier qu’il n’a pas varié dans ses pratiques. » Le CTC est composé de trois collèges : consommateurs, producteurs et experts partenaires de l’association, à savoir : l’Adecal, l’IAC, la DAVAR et l’Agence Rurale.
Le consommateur qui s’engage bénévolement au sein de l’association va participer aux groupes locaux, s’intéresser au travail des producteurs et réaliser des inspections sur le terrain. « Nous assurons en interne la formation de ces inspecteurs, consommateurs et producteurs, précise Pierre Migot, et avant d’être qualifiés, ils assistent à des inspections. Il y a donc une démarche à suivre pour devenir inspecteur. » Biocalédonia cherche à concrétiser une autre forme d’audit pour les producteurs qui souhaiteraient s’engager dans la démarche, « on voudrait faire appel à un auditeur externe pour assurer les inspections. Cela permet d’accélérer les processus de certification et de répondre à des attentes de producteurs déjà installés. »
Commercialiser et rendre visible
« On travaille avec nos producteurs sur le type de production à développer, explique Pierre Migot, et sur les débouchés possibles. Il faut structurer le marché. » S’il y a véritablement une richesse de production de l’agriculture biologique, elle pêche par manque de visibilité. Il y a donc des pans entiers de cette agriculture qui restent méconnus des consommateurs, « la production biologique, dit Pierre Migot, ne rallie pas forcement les circuits traditionnels de commercialisation. On a une partie qui passe par ces circuits et qui est donc comptabilisable, mais la plus grosse partie, notamment la production des tribus, ne passe pas par ces circuits et on ne la voit pas. » Actuellement, les produits de l’agriculture biologique sont vendus notamment dans les enseignes Biomonde, au marché de la baie de la Moselle et par un système de paniers livrés chaque semaine ou achetables chez les producteurs, mais c’est là un petit marché de niche. Si l’hypothèse de créer une enseigne spécifique Bio Pasifika n’est pas à l’ordre du jour, l’association appuie toutes les initiatives qui peuvent se faire jour localement pour améliorer la distribution.
Le bio connaît donc un essor certain et suscite un engouement chez les producteurs, « il y a une plus-value relative mais réelle sur les productions et la reconnaissance d’un savoir-faire, souligne Pierre Migot. De cette manière, le producteur valorise sa production et pour certains, c’est un élément déclenchant de leur conversion. Il est vrai que pour s’engager, il faut avoir aussi une conscience environnementale très prononcée. » Et interrogé sur la différence entre le bio et l’agriculture responsable, Pierre Migot explique que ce n’est certes pas la même chose, mais que « si l’on veut aller vers la souveraineté alimentaire, on doit travailler sur la dynamique globale qui permette de préserver l’environnement ».
« Permettre le développement réel de nos productions »
Pierre Migot, qui dispose d’une réelle expertise en matière d’agriculture biologique, connaît la Nouvelle-Calédonie pour avoir travaillé longtemps dans le Grand Nord à Poum. Il a pris la direction de Biocalédonia il y a maintenant trois mois.
« Actuellement, je prends la mesure de la mission et des compétences que nous avons pour permettre à chacun de s’exprimer le plus librement possible dans son travail. D’autant que nous sommes peu nombreux par rapport à nos missions. L’idée est de permettre le développement réel de nos productions. Le nombre de nos adhérents augmente, mais pour les consommateurs, la production n’est pas visible. Il faut que les consommateurs trouvent plus facilement nos productions et pas seulement à Nouméa. Il faut responsabiliser nos adhérents à cette mission, car tous sont porteurs des valeurs de l’association.
Le séminaire AGRINNOV a permis de valider le label Bio Pasifika comme le seul certifiant l’agriculture biologique en Nouvelle-Calédonie et de lever les freins qui bloquent le développement de l’agriculture bio, des freins techniques et organisationnels ; du coup nous travaillons de concert avec de nombreux partenaires pour développer l’agriculture bio en bénéficiant de la dynamique suscitée par le projet PROTEGE (11e FED, le Fonds européen de développement). »